Dans mon esprit, Yamaha a la réputation d’être un acteur de haute qualité dans le monde de l’électronique de loisirs, sans toutefois entrer dans celui de l’ultra High-End absolu où l’on retrouve des productions pour le moins exotiques affichant des tarifs non moins exotiques. La firme japonaise sait se montrer sage et amicale en proposant un son attachant à un tarif qui ne vous détache pas de la réalité… Ce n’est pas du low-cost, loin s’en faut, mais il reste possible de se l’offrir. 

Yamaha, c’est aussi une entreprise qui ne se concentre pas uniquement sur la reproduction du son. Son premier métier, depuis sa création fin XIXe, est d’être facteur d’orgue et de piano. Les pianos Yamaha se retrouvent pratiquement un peu partout, là où l’on joue de la musique. Il y a peu, la Chapelle Musicale Reine Elisabeth à Waterloo a équipé ses salles de répétition de pianos Yamaha, fort appréciés des résidents. Le fait que Yamaha ait repris les rênes en 2008 de l’iconique manufacturier autrichien Bösendorfer montre assez son implication dans ce domaine. Outre le clavier, Yamaha fabrique d’autres instruments, notamment ceux à vent et les fameuses guitares, qui vont rejoindre les orchestres et les groupes du monde entier. Des instruments de musique, Yamaha est naturellement passé aux appareils d’enregistrement et de reproduction de la musique, chez les professionnels comme chez les particuliers. Mais ce n’est pas tout. Yamaha fabrique des motos, des jet-skis, des moteurs, des composants électroniques, des computers, … on retrouve même la marque Yamaha dans le monde du golf ! Et ses produits rencontrent le même succès dans chaque domaine où la firme est présente. 

Au début des années ’50, Yamaha s’est lancée dans la production d’équipements hi-fi avec le succès international que l’on sait. La génération actuelle d’amplificateurs intégrés de haute qualité, la série A-Sxxxx, se reconnaît à son style cosmétique rappelant le design inauguré avec les préamplis et amplis du début des années ‘70, comme le légendaire CA-1000. Il y a quelques années, j’ai pu tester l’A-S2000, un amplificateur que j’aimais beaucoup. Vous vous demandez peut-être si, après avoir depuis lors testé et apprécié de nombreuses réalisations d’autres marques dont certaines plus que prestigieuses, mon enthousiasme s’est révélé être identique avec le nouveau A-S3200…

Technologie et installation

Le modèle A-S3200 se situe dans la tranche supérieure de la gamme d’amplificateurs de Yamaha. La série 5000 coiffe la gamme, mais ne comporte pas d’intégré. L’ampli A-S3200 doit donc être considéré comme l’ampli intégré le plus abouti de la marque. Il est livrable en finition noire ou argentée, évitant la couleur champagne un peu kitsch que l’on trouve parfois chez la concurrence.

Avec ses bons 25 kg – ce n’est pas de la classe D, donc !, c’est avec d’infinies précautions que l’appareil a été sorti de la voiture et transporté jusqu’au meuble où il devra prouver que chacun de ses kilos travaille pour la musicalité promise. Avant l’installation, d’ailleurs, il est bon de s’assurer que le rack hi-fi peut supporter le poids et la taille de l’objet. Un boîtier robuste en métal épais avec des côtés noirs brillants attire directement le regard. Un coup d’œil sur la photo en ligne de l’appareil sans son capot suffit pour deviner que la majeure partie du poids est très certainement due à l’énorme transformateur toroïdal et aux massives ailettes de refroidissement. Il ne serait pas fou de penser que  la chaleur dissipée par les transistors et recyclée par ces généreux radiateurs est suffisante pour réchauffer votre intérieur un soir d’automne… Due à la topologie dual-mono, la disposition symétrique de presque tous les composants, des gros condensateurs à la mise à la terre en passant par le câblage, est très frappante, et osons le dire, très belle. L’aspect est typé haut de gamme et la structure est parfaitement équilibrée.

L’extérieur n’est pas moins aguichant. Il y a bien sûr ces VU-mètres à aiguille, très années ’70, qui viennent illuminer une grande partie de la face avant. Celle-ci, en aluminium massif d’une épaisseur de 6 mm, supporte sans problème le bloc d’affichage, un peu plus grand que celui présent dans la série 2000, car le A-S3200 est assez haut avec ses 18 cm. L’intégration de la plaque de verre dans la plaque avant est sans faille. 

Il y a ensuite les boutons de commande, merveilleusement rétro, avec même la présence de boutons de réglage des basses et des aigus – on les avait un peu oubliés ces dernières années, ceux-là ! Que les puristes se rassurent, Yamaha utilise des potentiomètres à relais qui, réglés en position médiane, permettent au signal de contourner le circuit de réglage, de manière à ce qu’il ne soit pas influencé par celui-ci. La forme typique des potentiomètres et des interrupteurs à bascule fait irrésistiblement penser aux productions de la firme dans les années ’79 – ’80.

Une sortie casque avec contrôle de niveau de sortie de l’amplificateur complète l’avant. Il faut garder à l’esprit que  son utilisation désactive automatiquement l’étage de sortie vers les enceintes. Attention donc quand la fiche du casque est retirée et que l’on a oublié de mettre le volume à zéro.

En glissant le long des panneaux latéraux en bois au fini noir brillant, notre regard arrive naturellement vers l’arrière de l’appareil. Là aussi, la finition est impeccable. Étant donné le niveau de l’appareil, 2 entrées stéréo symétriques sont disponibles, avec réglage d’atténuation et de phase. Du côté asymétrique, 3 entrée ligne, 1 entrée/sortie pour enregistreur et une connexion phono avec mise à la terre, adaptée aux cellules MM et MC. Vous disposez également d’une entrée stéréo Main In et d’une sortie Pre Out. Une prise trigger est également prévue pour l’intégration à un système domotique.

Une mention spéciale doit être réservée aux magnifiques bornes d’enceintes. Usinées dans du laiton pur, elles se distinguent de celles auxquelles on a généralement droit. Leur large couronne extérieure permet un serrage manuel efficace, y compris des câbles les plus épais. 

Et le numérique ? Eh bien, pas de numérique sur un amplificateur stéréo haut de gamme ! C’est le choix de Yamaha, et nous ne pouvons leur donner tort. Alors que l’analogique est resté stable au cours des années, le numérique évolue tout le temps, entraînant très rapidement l’obsolescence des formats et des équipements. Outre cela, il est patent qu’intégrer du numérique dans un circuit discret analogique de très haute qualité peut avoir des répercussions négatives sur le résultat sonore final, notamment à cause des rayonnements. Donc, pour tout ce qui concerne le numérique, il est plus prudent de faire appel à des périphériques séparés.

C’est parti pour l’écoute !

Les divers raccordements ont été vite faits. Un lecteur CD T+A R1240 et une platine vinyle Rega P3 comme sources, des B&W 804D3 et des Klipsch Heresy 4 comme transducteurs.

Il ne faut pas avoir peur avec le type d’enceintes à brancher. Le Yamaha dispose d’une puissance et d’un facteur d’amortissement plus que suffisants pour garder sous contrôle la grande majorité des enceintes du marché. Les haut-parleurs électrostatiques ou magnétostatiques pourraient éventuellement représenter une difficulté, mais je n’en avais pas de disponible pour l’essai. Il est vrai que pour les Heresy à pavillon, avec leur haut rendement, seuls quelques watts suffisent et le bouton de volume du Yamaha doit à peine être tourné. Les B&W, par contre, nécessitent, avec leur courbe d’impédance et leur moyen rendement, un contrôle plus musclé de la part de l’amplificateur, mais le Yamaha, avec ses vrais 170W par canal sous 4 Ohm (120W sous 8 Ohm) n’éprouve aucune difficulté. 

Une première écoute laisse directement apparaître le haut niveau de musicalité, résultat obtenu grâce à la qualité des composants utilisés et à leur disposition dans l’appareil. La reproduction est très tridimensionnelle et focalise les sources sonores exactement dans la pièce d’écoute. Elle m’apparaît légèrement meilleure qu’avec mon ampli de référence T + A R. Les Watts fournis se révèlent également de haute qualité car à la fois avec les Heresy, très pointilleux sur la pureté du son en amont à cause de leur caractère de haut rendement, et avec les B&W, plus souples à ce point de vue, une pression sonore à la limite du supportable peut être atteinte sans distorsions notables de l’amplificateur.

Et c’est là la leçon principale de ce banc d’essai. Rappelons simplement que le but d’un amplificateur est d’acheminer à un niveau de volume idéal le signal de sortie d’une source vers les enceintes, sans l’affecter dans sa forme, ni le dénaturer. Les digressions lyriques sur les basses tonitruantes, les voix chaudes, les aiguës étincelantes et autres épithètes subjectives ne conviennent pas à un bon amplificateur. Son travail, c’est la neutralité. La couleur est définie par les sources et les enceintes. N’oublions pas non plus l’influence énorme de l’acoustique des lieux, de la qualité du réseau électrique, et des autres maillons de la chaîne. (Rappelez-vous toujours que la qualité d’une chaîne est définie par son maillon le plus faible.) Si vous optez pour la neutralité et l’efficacité d’un ampli comme le Yamaha, vous devrez faire très attention à son mariage avec des enceintes adaptées à votre environnement et au choix de la source musicale.

L’amplificateur Yamaha A-S3200 a été construit avec beaucoup de soin, et il est plutôt imposant. Et pourtant, il a été conçu pour se faire oublier dans votre système. Tous les composants sont d’une qualité irréprochable et rien ne peut être pris en défaut.

La comparaison avec d’autres amplificateurs, avec les mêmes sources et les mêmes enceintes, dans le même local, montre clairement s’il y a des problèmes et des imperfections dans le traitement du signal. Toute coloration du signal d’entrée est en fait une erreur. Des phénomènes mécaniques et électriques peuvent aussi perturber l’écoute : interrupteurs provoquant des cliquetis, commandes de volume qui crépitent, transformateurs qui ronflent, bruit de fond permanent… Avec le Yamaha, un silence à la source est magnifiquement amplifié pour obtenir un silence complet dans la pièce. Et comme l’affirmait Mozart, le silence c’est aussi la musique. Je ne vois pas plus gros compliment pour un amplificateur. 

Transparence et absence de coloration sont les termes marketing utilisés par Yamaha pour présenter cette gamme, et ce à juste titre. Un Accuphase, et certainement un Marantz, ont du caractère, une signature sonore. Le son du Yamaha se reconnaît difficilement car il est neutre. En ce sens, il est très proche de mon T + A.

Seul le préampli Phono intégré pourrait montrer moins de transparence. Il est malgré cela bien meilleur que celui de mon ancien ampli Marantz et correspond à celui que j’utilise tous les jours : le Trichord Dino Mk3. Ce dernier offre l’avantage d’être individuellement adaptable à une multitude de cellules. Ceci explique peut-être cela.

Conclusion

Le Yamaha A-S3200 : maîtrise de l’électronique moderne et compréhension des circuits optimaux combinés à l’ingénierie de la vieille école dans un délicieux emballage rétro. Construit comme un char allemand mais avec l’élégance et la puissance d’une Maserati. Je suis assez impressionné. Et bien sûr, cela a un prix. Mais comme annoncé dans l’introduction, Yamaha n’est pas du style à pratiquer des tarifs astronomiques, et le côté “payable” de l’amplificateur A-S3200 est accentué par la durée de vie prévue de la machine. Si vous la gardez ne fût-ce que 10 ans, elle vous coûtera annuellement moins cher qu’un long weekend à la mer ou dans les Ardennes…

Prix annoncé

Yamaha A-S3200: 5.799,- €

Yamaha A-S3200

5.799,- €
8.8

Prestations

9.0/10

FONCTIONNALITÉS

8.5/10

Rapport prix/qualité

8.0/10

Qualité de fabrication

9.5/10

Design

9.0/10

Pour

  • Design intemporel
  • Construction exemplaire
  • Extrême transparence de l’image sonore

Contre

  • La finition de la télécommande n’est pas à la hauteur
  • Les flancs en bois laqué piano ne sont pas mon truc
Points de vente de la marque yamaha