Totem Acoustics est un spécialiste canadien de l’enceinte acoustique, fondé en 1987 par le designer Vince Bruzzese. La recherche de l’émotion est au cœur de sa philosophie. La qualité des composants et le souci du détail, du boîtier au câblage, en sont la base.

La série Element est au sommet de la gamme Totem et a récemment été mise à niveau vers la version 2. C’est l’occasion de mettre à l’épreuve le benjamin de la famille Element, le modèle de bibliothèque Fire.

Technologie et installation

Une fois sortis de leur boîte, les « Fire » ne se distinguent pas spécialement par un design, ou un « élément » de design, original ou spectaculaire. Leur poids élevé par rapport à la taille laisse bien deviner l’usage de matériaux solides et épais, ainsi qu’une architecture intérieure de coffret renforcée. Mais la configuration de la face avant n’appelle aucun commentaire, avec un tweeter positionné à la verticale dans l’axe du bas-médium. Une présentation en fin de compte de type industriel, sans plus.  Les haut-parleurs eux-mêmes ressemblent de prime abord à ceux que l’on rencontre chez tant d’autres marques.

Totem Element Fire V2 banc d’essai

C’est en fait dans les détails que vous découvrirez la personnalité de ces enceintes. En premier lieu, le coffret est construit de telle sorte qu’il n’y ait pas deux parois parallèles, faisant ainsi la chasse aux ondes stationnaires et aux irrégularités dans la linéarité de la bande passante.  Ensuite, la finition de ce boîtier. Elle est phénoménale. Outre la sensation au toucher qui n’a rien à voir, oh que non, avec celle ressentie lorsque l’on prend en mains un panneau d’une célèbre marque suédoise en kit (c’est mon oncle Anatole qui dit ça : « une marque en kit »), la laque noire utilisée en surface est presque de qualité miroir. On la caresse par pur plaisir ! Je suis moi-même un aficionado du bois et de l’ébénisterie bien faite. Il est vrai que sur une telle surface, les poussières se voient vite, et je déteste passer le plumeau. Mais je l’accepte ici sans problème, car le régal des yeux supplante la fatigue du poignet. Même le dessous de la caisse est parfait, alors qu’il n’est pas destiné à être vu. Les coins arrondis semblent moulés dans la masse : on ne perçoit pas les joints. À l’arrière, la plaque en aluminium supportant les connexions est parfaitement usinée. Les connexions ? Excusez du peu : rien moins que des WBT. Des vraies, pas des imitations. Bi-câblage ? On serait presque tenté de dire que cela va de soi pour une enceinte que l’on perçoit, au fur-et-à-mesure qu’on la découvre, appartenir à du rare haut de gamme. 

L’installation pourrait créer certaines angoisses : vu leur poids et leur magnifique finition, il leur faut trouver des supports du même niveau, et particulièrement stables, pour éviter par exemple qu’elles ne glissent ou ne tombent accidentellement. Il est vrai qu’elles ne s’achètent que chez des spécialistes compétents, et ceux-ci savent vous conseiller à ce sujet.

Voilà pour ce que l’on voit. Passons à ce que l’on ne voit pas. La star est sans conteste le haut-parleur bas-médium Torrent. Ce transducteur est unique malgré son apparence commune. Il est directement couplé au signal de sortie de l’amplificateur, sans passer par le filtre de coupure, un peu à la manière d’un haut-parleur large bande. Avec un tel élément, bien pensé et bien construit, la liaison directe est garante qu’aucune distorsion due aux intermédiaires n’est induite. Les audiophiles purs et durs le savent bien, et je les rejoins en ce sens. Bien pensé et bien construit, on peut dire que le Torrent, assurément, l’est. Son moteur utilise un ensemble d’aimants exceptionnellement imposants pour une puissance à même de parfaitement contrôler la bobine mobile. La suspension est de type à large débattement, permettant à la membrane de produire un maximum de basses. Le tweeter à dôme en titane, soigneusement protégé par une grille métallique, est logé dans un boîtier en aluminium. Selon le fabricant, il s’agit d’un composant filtré suivant un schéma minimaliste avec pente de 6 dB. Ce type de filtre garantit des hauts médiums aigus très naturels, mais à condition que la courbe de réponse du haut-parleur soit le plus linéaire possible, supprimant ainsi le recours à un filtrage sophistiqué. Lors du test d’écoute, nous aurons l’occasion d’évaluer les effets de ce choix technologique.

Pour vous montrer la qualité de fabrication des Totem Element Fire V2, et même si cela ne remplace pas une rencontre physique dans un magasin, nous avons réalisé ce petit film :

En pratique

Totem Element Fire V2 banc d’essaiToute cette belle technologie serait vaine si elle ne servait pas une qualité d’écoute élevée. Au tout début des tests, l’Element Fire s’est déjà en tout cas révélée être une enceinte très pratique. Grâce à l’évent bass reflex situé à l’arrière, vous pouvez contrôler considérablement la quantité de basses en plaçant l’enceinte plus ou moins près d’un mur, en évitant bien évidemment l’exagération d’un son boursouflé. Une basse doit être profonde, certes, mais doit rester nette. La taille des boîtiers permettrait de positionner les Element Fire dans une armoire en fermant la porte quand on ne les écoute pas, mais premièrement ce serait dommage de ne pas les voir, et deuxièmement on risquerait de provoquer trop de perturbations dans la reproduction des basses. Si vous voulez les intégrer dans un ensemble, l’idéal serait sur une étagère de bibliothèque garnie de livres. Ceux-ci, par leur densité, forment une excellente isolation contre les vibrations. Sinon, l’idéal de l’idéal,  c’est le positionnement sur des pieds de bonne qualité. Cela met en évidence la beauté de la finition de ces enceintes tout en leur permettant de s’exprimer au mieux.

Il n’aura pas fallu longtemps avant que cette enceinte ne m’ait dévoilé ses qualités acoustiques. Son point fort est le bas-médium, qui sonne avec un naturel transcendant. Bien sûr, la source musicale est très importante : les Element transmettent impitoyablement à l’auditeur la médiocrité des mauvais enregistrements. Le meilleur cuisinier ne peut tirer grand-chose d’une patate pourrie. Mais si la source est de qualité, qu’elle provienne du sillon vinylique ou de bits en nombre suffisant pour la haute résolution, alors quelque chose de magique se produit. Avec ces enceintes, vous pouvez vraiment avoir l’impression que vous vous trouvez dans un très bon studio d’enregistrement. Même si vous écoutez le concert au travers du cheminement complexe du processus d’enregistrement/reproduction, vous vous sentez impliqué dans l’événement lui-même, au point de le vivre intensément.  Curieusement, cela se remarque surtout avec des bruits inattendus. Vous avez déjà remarqué, en assistant physiquement à un concert, qu’un tas de petits bruits diffus viennent s’ajouter à l’ambiance, que ce soit le bonbon que l’on déballe au deuxième rang ou le raclement de gorge provenant d’une loge, ou, plus musicalement, la respiration de l’artiste. Les Element, par leur extrême pouvoir de résolution, ne laissent rien passer. Mais avec un tel équilibre et un tel naturel que, en tant que mélomane habitué des concerts, vous vous sentez en terrain connu. Ce naturel doit certainement beaucoup à la qualité des transducteurs pas ou très peu filtrés. Certes, vous pourriez penser que le tweeter en titane se comporte comme tout tweeter à dôme métallique : un peu trop enthousiaste et provoquant à la longue une certaine fatigue auditive. Rien de tout cela avec le tweeter chez Totem. Aucune stridence désagréable n’apparaît ni à volume élevé ni après de longues heures d’écoute. Le tweeter à dôme de l’Eminent Fire parvient à réaliser un équilibre très intelligent avec le bas-médium, en assurant à celui-ci une extension harmonieuse vers le haut du spectre. Il est moins soyeux que, disons, le tweeter Nautilus, mais avec une ambition nettement plus grande de sortir les plus infimes détails de l’enregistrement. C’est la reproduction non artificiellement atténuée, mais aussi non exagérée, de ces divers bruits incongrus captés lors de l’enregistrement live qui sont perçus par votre mémoire auditive en vous laissant l’impression que « vous y êtes ». Évidemment, ce n’est pas que pour cela que ce tweeter a été conçu : écouter un solo de flûte piccolo ou une attaque de batterie avec ces enceintes donne véritablement la chair de poule.

Totem Element Fire V2 banc d’essaiLes trilles de la flûte, mais aussi la chaleur cuivrée du saxo ou la présence charnelle de la voix : les fréquences dans le médium, si délicates et fragiles, sont merveilleusement représentées avec un naturel presque parfait, sans mise en avant ni retrait d’une  partie du spectre. Ce sont surtout les voix féminines, si souvent dénaturées au point de devenir parfois stridentes, qui me sont apparues fantastiquement réalistes. Les Totem Element Fire V2 sont d’excellentes enceintes pour écouter le jazz, le folk, le live, le cabaret, les instruments acoustiques, le classique, bref, toute musique ne supportant aucun déséquilibre…

Ce n’est que dans les régions les plus basses du spectre que les Totem révèlent ce qu’elles sont et ne sont pas : en tant qu’enceinte de bibliothèque de taille moyenne, elles ne jouent pas à la grenouille qui veut se faire aussi grosse qu’un bœuf. Les graves sont bien là, profonds et bien timbrés, aidés par la puissante aimantation et le large débattement de la suspension. Mais ils n’ont ni l’impact ni l’ampleur d’un 30 cm chargé par une grosse enceinte. Je ne m’attendais pas à autre chose, et j’ai à un moment donné branché mon subwoofer REL pour rendre leur coffre et leur puissance abyssale aux basses dans « The Wall » des Pink. C’est d’ailleurs dans cette configuration que j’ai obtenu les meilleurs résultats : les Totem sur de très bons pieds et le REL soigneusement réglé (tout autre caisson de graves audiophile conviendrait aussi, bien sûr.) Ne soyez pas grincheux en disant qu’alors, autant acheter tout de suite des grosses colonnes, sans avoir besoin de sub. C’est vrai, c’est une solution, mais c’est aussi une question de choix personnel. Pas mal d’audiophiles préfèrent la solution d’une paire d’enceintes de monitoring couplée à un subwoofer. L’avantage selon eux (et j’en suis): les enceintes de monitoring sont plus faciles à installer et le caisson de grave (actif) permet des réglages que ne permet pas une enceinte colonne. Et si vous hésitez quant au choix de l’une ou l’autre solution, n’hésitez pas à écouter un revendeur spécialisé et à lui demander quelle serait, selon lui, la meilleure option pour votre intérieur. 

Totem Element Fire V2 banc d’essaiEn écoutant du blues et du jazz, en l’occurrence le travail de  Mighty Sam McClain et certainement de l’ensemble de jazz TaxiWars, un projet parallèle de Tom Barman, se confirme ce que l’on pourrait également soupçonner avec d’autres styles : cette enceinte n’a pas du tout peur de la complexité. Même pas à un volume généreux. Et le tweeter se retient même poliment sur des passages de saxophone soprano et de piccolo, soutenus exemplairement par le bas-médium pour les notes fondamentales. Plus j’écoute, plus j’apprécie l’intégration du tweeter au reste, et plus je change d’opinion quant aux tweeters à dôme métallique. En fait, la vérité, c’est tout simplement qu’il y a des bons, des moins bons et des mauvais tweeters, quels que soit les matériaux mis en œuvre. La réussite d’un rendu, c’est de choisir un bon tweeter et de l’intégrer harmonieusement dans un ensemble.

Conclusion

Avec le modèle Element Fire V2, Totem donne à la concurrence une leçon d’évidence, de naturel et de souplesse. À mon avis, il manque peut-être à l’enceinte une version en bois un peu plus traditionnelle, mais la qualité et les détails de finition de la laque sont spectaculaires, tout comme les composants utilisés. Et si tout cela me permet d’amener un bijou chez moi, vous ne m’entendrez pas m’en plaindre.

Totem Element Fire V2 banc d’essai

Totem Element Fire V2

7.799,- euro (p.p.)
8.5

DESIGN

10.0/10

SON

10.0/10

APPLICATION

8.0/10

PRIX

6.0/10

Pour

  • Finition spectaculaire
  • Le bass reflex sonnant le plus naturel que j’ai jamais entendu
  • Intégration remarquable de toutes les parties du spectre sonore

Contre

  • C’est un véritable aimant à poussière et à traces de doigts
  • Le plaisir se paie cher
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