« Quand je pense haut-parleur à pavillon, c’est directement le nom Klipsch qui me vient à l’esprit. » 1946 : Paul Klipsch entame la production du modèle Klipschhorn, une enceinte conçue pour être placée dans un coin, ce coin servant d’extension au pavillon. Cela permet d’obtenir des sons graves profonds avec une longueur interne de pavillon –relativement– modeste. C’était, et c’est toujours, une réussite phénoménale. D’ailleurs, l’enceinte Klipschhorn, en version modernisée, mais basée sur exactement les mêmes principes que la version d’origine, est toujours en production.
Entretemps, le pavillon est devenu la marque de fabrique de Klipsch. Les enceintes, même celles un peu plus « modestes » de la marque, utilisent toujours le principe du pavillon pour diffuser les aigus et les médiums. Et pour les marchés européen et asiatique, la taille des caissons a été rendue un peu plus « sage » que celle des enceintes prévues d’origine pour le marché américain. La marque dans son ensemble renvoie à des temps anciens avec l’utilisation du bois et des formes simples, qui s’éloignent rarement du carré ou du rectangle. La série Heritage, appartenant au créneau haut de gamme de haute qualité, comprend des remakes modernisés de modèles d’enceintes dont certaines datent des années 50 et 60. La Forte IV, objet de ce présent banc d’essai, est apparue en 1985 dans sa première version.
Tous les modèles de cette série démontrent que l’efficacité et la dynamique sont à la base du plaisir d’écoute. Il y a quelque temps, les enceintes Heresy IV, benjamines de la série, ont fait l’objet d’un banc d’essai. Il faut dire que chez Audiovideo2day, on est assez emballé par ce type d’écoute musclée qui vous entraîne au cœur de la musique. J’ai eu le plaisir d’écouter chez moi les Heresy, et je connais donc bien ce type de restitution. Les enceintes Forte IV sont venues récemment renforcer la famille Heritage. Depuis longtemps, avec Klipsch, on s’est habitué à ce que plus la caisse est grande, plus impressionnantes seront les basses. On s’attend donc naturellement à une plus grande assise dans les graves avec la Forte qu’avec la Heresy.
Technologie et installation
Tout dans ces enceintes respire l’Amérique profonde, et ses longues routes menant vers Memphis pour un pèlerinage à Graceland. La série Klipsch Heritage, c’est la Mustang dans le monde des enceintes acoustiques. Jetez un simple coup d’œil sur la page web consacrée aux Forte : vous serez tout de suite plongé dans l’ambiance. Les bouquins sur l’étagère parlent de whisky, de bière, de Harley Davidson et de vinyle. Tout est dit.
On avait presque oublié que de telles caisses ont longtemps trôné dans les salons de nos parents. Elles sont énormes. Du moins si on s’en réfère aux canons actuels où de fines et élégantes colonnes constituent la majorité de l’offre sur le marché audio de qualité. Pour la hauteur, ça va encore : comme la plupart des colonnes modernes. Mais la largeur ! La largeur rend vraiment monumentales ces belles bêtes. Comment donc les caser dans nos ridiculement petits salons européens ? Et pourtant, il y a une raison à cette taille. Sur le baffle avant, nous trouvons deux haut-parleurs à pavillon pour les sons aigus et médiums. Sous eux, un solide haut-parleur de 30,5 cm s’occupe de la ligne de basse. Si ce n’était pas assez, en retournant l’enceinte, surprise ! apparait un énorme radiateur passif de 38 cm qui ne manquera pas de vous impressionner. Promesse d’une restitution de graves riche et grandiose, bien sûr. Mais aussi d’une difficulté de placement supplémentaire venant s’ajouter à celle déjà causée par la largeur de l’objet. En effet, pas question, avec un tel radiateur, de coller les enceintes contre un mur. Le résultat ressemblerait à une avalanche de basses tout à fait hors contrôle. Selon nos essais, une distance de minimum 50 cm devrait être suffisante.
Les pavillons des aigus et des médiums ont encore été améliorés pour rayonner plus largement, vous assurant ainsi le même équilibre tonal en tous points d’une zone plus étendue de votre local d’écoute. Le moteur du haut-parleur médium est entièrement nouveau, assurant une restitution particulièrement rapide et dynamique. Mais la recette générale reste la même depuis des décennies : les pavillons sont parfaits pour susciter l’impression de musique vivante, et les gros woofers sont là pour vous rappeler que la musique, c’est aussi une question d’émotions fortes qui vous prennent au ventre. ‘There’s no replacement for displacement.’ En tout cas pas avec la série Heritage.
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Côté finition, rien à redire: c’est soigné. De la belle ébénisterie, classique comme il faut. La structure du caisson est en MDF et quatre différents placages sont proposés aux clients. Les feuilles de placage sont sélectionnées pour esthétiquement accorder parfaitement l’enceinte droite à la gauche dans une paire. Sans leur grille, les enceintes ont théoriquement un meilleur son, mais on perd sur le plan visuel. Ah, ce tissu semblant sortir tout droit d’une ancienne manufacture du siècle dernier ! On ne se lasse pas de le regarder et de le toucher. Heureusement, les grilles, avec leur fixation magnétique, sont faciles à déposer (pour l’écoute les yeux fermés) et à remettre (quand on rouvre les yeux). Au début, le radiateur passif non protégé à l’arrière m’a un peu inquiété, dans un environnement avec des chats curieux comme chez moi. Mais au final, tout s’est bien passé.
Avec un rendement de 99 dB, les FORTE IV peuvent être facilement pilotées par pratiquement tous les amplificateurs du marché, y compris les amplis à tubes triode les moins puissants.
En pratique
Toutes les critiques et appréhensions du début concernant la difficulté de leur placement sont immédiatement balayées quelques secondes après avoir appuyé sur la touche PLAY ou posé l’aiguille au début du sillon. On pose les Forte IV, on allume, et la magie opère tout de suite. C’est du grand son, du grand son direct. Il vous tient, il vous fait dresser les poils, il vous entoure, il vous envahit. Et pris dans ce tourbillon sonore, vous n’avez pas le temps, vous n’avez même pas l’idée d’ergoter, de chercher où se nicherait la petite bête, si toutefois il y en a une. Je vous conseille l’écoute d’un concert live. C’est là qu’elles excellent. L’atmosphère, les différents bruits qui jaillissent de partout dans la salle de concert, la présence du public, et parmi toute cette ambiance, la musique, toute la musique, la musique bien vivante. Je me suis efforcé de reprendre un peu mes esprits pour quand même faire des recherches sur le meilleur emplacement possible. Chez moi, dans un living disons relativement standard, à l’européenne, j’obtiens les meilleurs résultats lorsque les Forte ne sont pas directement orientées vers la position d’écoute, mais plutôt parallèlement au mur arrière, et, comme je l’ai déjà souligné, à 50 cm de celui-ci. C’est dans ce positionnement que les fréquences supérieures se révèlent les mieux intégrées à la riche reproduction des basses.
Lorsque vous regardez les enceintes pour la première fois, vous pourriez vous dire : « Oui, elles font un peu sono, c’est du gros son mode balourd qui doit sortir de là. » Eh bien, pas du tout : toutes les nuances, jusqu’aux plus fines, sont magnifiquement détourées. Le coup de basse qui vous arrive en plein dans les tripes n’empêche nullement les ghost notes chuchotées par le batteur de s’exprimer à l’arrière. Il est vrai que ces enceintes se la jouent punchy, et qu’elles ne sont pas vraiment faites pour écouter à très bas niveau. Pour qu’elles s’expriment vraiment, et pour profiter des incroyables basses dont elles sont capables, il ne faut pas hésiter à y aller ! Pour écouter la nuit, quand les gosses sont couchés, vous avez votre casque, non ? Ou alors, allez vous coucher vous aussi, de toute façon c’est l’heure d’aller dormir.
‘Live at Knebworth 1990’ de Pink Floyd produit le mur de son souhaité qui donne instantanément la chair de poule. Les solos de guitare aiguisés et mordants qui caractérisent Pink Floyd vous attaquent directement. Mais c’est surtout le fantastique bas du spectre qui fait frémir. On s’attend à ce que les gros woofers soient lents et réagissent un peu mollement, mais c’est exactement le contraire. Klipsch sait comment tirer parti du moindre cm² de membrane chargé par le moindre cm³ de la caisse de résonance. Le slam et la dynamique semblent être sans limites. Violent !
Mais ne faites pas l’erreur de penser que la musique live est le seul point fort de ces enceintes. Les orchestres symphoniques se déploient magnifiquement, et les petits ensembles témoignent d’une belle présence, tant avec du jazz et du blues qu’avec de la musique de chambre classique. Avec tous les types de musique, les Forte peuvent vraiment vous délecter. Vous vous retrouvez dans le concert et faites ainsi partie de la performance, plus qu’être un lointain observateur. Prenez par exemple le Lacrimosa interprété par le Maximilian Geller Quartet, une interprétation jazz de la célèbre œuvre classique. Le saxophone sonne, non seulement de sa chaleur cuivrée, mais aussi rendu vivant par le souffle de l’interprète, la salive sous l’anche, le mouvement des lèvres. La taille de la contrebasse se rappelle à vous ; elle n’est pas réduite à une version jouet comme avec des enceintes maigrichonnes. C’est de la musique dans la vraie vie, faite par de vrais musiciens. Et ne l’oublions pas : plus que le vin, Musica laetificat cor, la Musique réjouit le cœur !
Conclusion
Les Klipsch Heritage Forte IV ne m’ont pas déçu. Oh que non, vraiment pas déçu. Sauf quand j’ai dû les déballer, et surtout les remettre dans leur boîte. 32,65 kg pièce, 91 x 42 x 33 cm. Pas très bon pour le dos, ça ! J’ai dû demander de l’aide à mon fils (qui a essayé de faire semblant de ne pas m’avoir entendu, les yeux rivés à son Smartchose, mais ça marche pas avec moi !)
Les Forte aiment jouer fort. Et elles s’amusent à vous rappeler que vous aussi, vous aimez jouer fort ! Un peu encombrantes ? Et alors, quoi ? Est-ce que le plaisir, c’est encombrant maintenant ?
Klipsch Heritage Forte IV
5.700 euros la paire
Pour
- Du beau, du bon, du gros son dynamique
- Des vraies basses
- L’image très large créée par les pavillons
Contre
- Il faut aimer le design vintage
- On n’a pas droit à un tour gratos en Harley, comme promo ?
