Voici la suite du feuilleton de l’été. Vous êtes nombreux à le suivre, vous qui vous demandez: Comment devient-on concepteur d’audio haut de gamme?

Que vous soyez audiophile ou passionné de musique, ou bien sûr les deux, vous découvrez en plusieurs épisodes, une fois par semaine, le récit passionnant de Rumen Artarski, le CEO de Thrax Audio.

Source: Mono & Stereo – Interview réalisée par Matej Isak

Thrax Audio

Résumé de l’épisode précédent:

Rumen s’exprime –enfin! diront les audiophiles impatients, sur les thèmes favoris des amateurs de beau son. La haute fidélité expliquée par quelqu’un qui en a fait sa passion, son métier et sa vie. Tous les concepts sont abordés avec une lucidité et une justesse émotionnelle que le lecteur appréciera. On sent ici l’amour du grand art derrière des paroles que beaucoup noteront dans leur anthologie personnelle… 

Matej: – Quelle est à votre avis l’importance de l’écoute dans le développement et la finalisation des produits?

Rumen: – C’est primordial: tout ce que nous faisons pour améliorer nos produits relève de la théorie jusqu’à la preuve sur le terrain. En tant que créateurs, nous avons souvent des a priori. Il m’arrive donc d’inviter des membres d’un club audio local. Ils n’ont aucune idée de ce qu’ils entendent et nous leur proposons différentes versions d’un produit. Leurs remarques nous aident à finaliser le produit.

Matej: – Iriez-vous jusqu’à dire que l’amour et la passion de la musique se reflètent dans les produits d’un créateur?

Rumen: – Certainement. Je ne développe que ce qui n’existe pas encore sur le marché. Croyez-moi: acheter le meilleur produit revient encore toujours moins cher que de le fabriquer. Mais quand il est introuvable, la seule solution consiste à le développer soi-même.

Matej: – Comment parvenez-vous à réaliser le raffinement et la subtilité de vos produits?

Rumen: – De longues séances d’écoute avec les différents appareils nous aident à identifier les manquements éventuels. Ensuite, nous en recherchons la cause et tentons diverses alternatives. Ce n’est que quand tout est réglé et que rien ne nous distrait plus de la performance musicale que nous nous déclarons satisfaits.

Cela ne veut pas dire pour autant que toutes les minimes imperfections ont disparu, mais simplement qu’elles ne nous gênent plus.

Matej: – Quelle est l’importance de l’acoustique dans la pièce pour assurer une reproduction sonore impeccable?

Rumen: – C’est le meilleur investissement possible. Mmmh, c’est vraiment moi qui ai dit ça?(rire)

Maintenant, si votre pièce reflète trop, trop tôt, il est inutile de dépenser plus pour entendre plus. Avec un meilleur équipement, les différences dynamiques sont encore plus nettement accentuées, ainsi que leur écho.

Un système audio grand public peut faire bon effet dans une pièce à l’acoustique optimisée. Mais dans ce cas, vous distinguerez également tous les manquements de votre système. Il convient alors d’en définir les causes et d’optimiser le système étape par étape jusqu’au niveau suivant.

En agissant ainsi, vous récolterez ce que vous aurez semé.

Sinon, nous avons un proverbe en Bulgarie: peu importe le nombre de fois où vous vous retournez, votre derrière se trouvera toujours…derrière vous.

Matej: – A quoi ressemble “la reproduction audio haut de gamme” d’après Rumen Artarski?

Rumen: – C’est beaucoup de boulot: un espace dédié, des appareils soigneusement conçus et élaborés et une belle collection de disques…

Matej: – Des électroniques exotiques?

Rumen: – Probablement, mais pas toujours. Certains produits de masse sont tout à fait corrects, compte tenu d’un plus grand nombre d’appareils et du coût de développement partagé. Mais l’inverse est également vrai.

Les transformateurs audio sont par exemple des éléments à assemblage mécanique ce qui requiert une extrême précision. C’est une des rares pièces dont la production ne doit pas être confiée à une machine.

Thrax Audio

Matej: – Peut-on affirmer que la forme suit le fond chez Thrax Audio?

Rumen: – La forme est déterminée par les canons de l’industrie audio. La communauté des audiophiles a du mal à accepter les idées divergentes, mais nous tentons malgré tout de trouver un bon équilibre.

Matej: – Un système de haut-parleurs dernier cri est-il complet sans caissons de basse?

Rumen: – Votre question est intéressante;  il s’agit là d’un sujet trop rarement abordé. Quelques faits pour commencer: l’oreille humaine est moins sensible aux fréquences basses et la différence peut aller jusqu’à 20db par octave.

Pour détecter les basses, il faut donc qu’elles dépassent un certain niveau sonore. Il s’agit là de ce que nous appellerons le “Fait nr 1”. Le niveau sonore d’un driver conventionnel est déterminé par l’efficacité avec laquelle il convertit le signal électrique en pression acoustique.

Une loi physique définit l’efficacité maximale d’un driver dans un volume d’air donné (le volume interne du haut-parleur – certains designs présentent d’autres limites comme les électrostatiques); la relation est triangulaire – volume/efficacité/extension – et on ne peut choisir que deux facteurs. On appellera cela le “Fait nr 2”.

La pression acoustique entraîne un décalage de phase dans les basses fréquences, résultant en une perturbation de la scène sonore. “Fait nr 3”.

Prenons l’exemple d’un haut-parleur haut de gamme moderne avec un  volume interne de 60l; les spécifications étant 92db/1w @ 28hz -3db. A l’écoute, le son, trop maigre manque de cadence et de rythme, les instruments semblent vagues.

On peut dans ce cas supposer que la personne qui a rédigé ces spécifications est soit ignorante, soit qu’elle a écrit un tissu d’âneries. Si l’extension du haut-parleur est correcte, l’efficacité maximale pourrait être 83 dB. Mais en général, un haut-parleur réalise à peine 40hz @-3 dB et l’efficience ne dépasse que rarement 87db/w. Qui plus est, la basse est probablement déphasée par rapport au reste de l’enceinte.

Thrax AudioLorsqu’il développe une petite enceinte susceptible d’émettre des graves, le concepteur est confronté à un retard des tons les plus bas pouvant aller jusqu’à 12-15ms. C’est nettement audible et qualifié de  “mou” et “pataud” en langage audiophile.  En outre, ces drivers compacts produisent une distorsion harmonique de 3 à 10% à basse fréquence. On perçoit dès lors les harmoniques avant d’entendre les fondamentales, l’oreille étant de 20 dB plus sensible aux harmoniques.

Une calculatrice à utiliser gratuitement en ligne permet à n’importe qui de déterminer la pression acoustique maximale produite par un piston d’une taille et d’une extension donnée. Une enceinte avec deux woofers 6.5” ne réalisera ainsi que 100db SPL @40hz, tandis que la distorsion harmonique est déjà audible à partir de 80 dB. La fréquence de base est donc moins audible que les fondamentales qui sont en fait des déformations. Fort heureusement, peu de musique va si bas et de toute manière notre oreille s’habitue et compense l’absence de ces fondamentales.

La réponse, c’est donc que pour produire suffisamment de pression acoustique on a besoin de drivers présentant très peu de distorsion et une surface suffisante en combinaison avec le plus gros volume possible afin de booster l’efficacité.

En résumé: sans caisson fermé au timing très précis, pas de musique! Du moins dans les basses fréquences. Les gros haut-parleurs produisent un son plus réaliste à cause de ces simples faits.

Une bonne restitution des graves modifie la perception générale de la musique par l’effet de la modulation, mais ça, c’est une autre histoire.

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