La marque italienne Synthesis existe depuis les années ’50, lorsque le père de l’actuel propriétaire Luigi Lorenzon fabriquait des transformateurs audio, notamment pour les amplificateurs VOX. Luigi a repris l’entreprise en 1992. L’audio est donc bien inscrit dans l’ADN de cette famille. La production des amplificateurs de la marque est entièrement réalisée en Italie et à petite échelle, à la main. Les amplificateurs mis en lice aujourd’hui reflètent des philosophies de conception diamétralement opposées : le Roma 96DC est un ampli à tubes (des EL34) et le Roma 54DC travaille en classe D. Les deux amplificateurs se situent dans la même gamme de prix et sont donc des candidats idéaux pour une comparaison entre les deux technologies.

Technologie et installation

Les amplificateurs mis à disposition pour le test sont en finition aluminium noir brossé. Cette finition est en option et à mon sens vaut la petite dépense supplémentaire, esthétiquement parlant, car cet aspect, outre d’être d’un neutre assez chic, préserve la beauté de l’objet des disgracieuses traces de doigt et de poussière. 

banc d'essai Synthesis Roma 54DC Roma 96DCUn coup d’œil sur le site web de Synthesis nous apprend que les appareils sont disponibles en d’autres finitions. Nous pouvons aussi choisir du noir brillant laqué, ou différentes essences de bois. Nient’altro di più bello ! Les deux amplificateurs sont remarquablement construits, entièrement en métal, avec une face avant particulièrement épaisse. La finition standard consiste en une face avant en bois, ce qui n’est en soi pas mal pour du « standard » ! Pour l’aluminium, un petit supplément de 100 € est demandé. Les deux amplificateurs reçus pour le test sont en configuration de base, c’est-à-dire en version amplificateur seul. Sous les références 96DC+ et 54DC+, et pour 300 € de plus, ils se digitalisent avec un DAC intégré et des entrées au format numérique. Mon point de vue ? Je préfère un DAC séparé, du moins en ce qui concerne les amplificateurs stéréo. Un amplificateur bien construit et régulièrement entretenu a une durée de vie se situant entre 10 et 20 ans, ou plus pour des modèles d’exception. C’est beaucoup plus que ne l’autorise l’évolution des technologies numériques, qui en général sont déjà dépassées au moment de leur mise sur le marché. Un DAC séparé vous permet d’être toujours à la pointe en matière de signaux numériques et de connectique. C’est lui que vous serez obligé de remplacer, une fois devenu trop obsolète, et non votre bon vieil ampli qui marche encore super bien…

La dimension non habituelle des deux modèles Synthesis leur donne un aspect un peu bizarre s’ils sont disposés dans un rack Hifi standard. Leur largeur est plus petite que la norme, mais plus grande que la moitié de celle-ci. Manifestement, ces beaux objets sont destinés à être mis en valeur indépendamment du reste de la chaîne. Côté pratique, une télécommande est livrée avec chaque modèle.

Commençons avec le Roma 96DC. On joue ici dans le classique vintage à tubes cher à nombre de mélomanes. 2 tubes EL34 du fabricant Elektro-Harmonix en étage de sortie et 2 tubes ECC82/12AU7 pour l’étage driver. Le circuit est un montage pentode en classe A délivrant 25W par canal. 25W, cela peut sembler ne pas être beaucoup. Surtout quand vous considérez que l’enceinte Bluetooth achetée sur Alimazon et que vous avez reçue pour votre Noël annonce pas moins de 150W pour un poids d’un peu moins d’1kg… Sachez que, de même que le poulet fermier nourri bio que vous achetez en circuit court n’a pas le même goût que le poulet de batterie importé d’Asie, de même vous n’aurez pas affaire à la même qualité de watts selon qu’il s’agit d’amplificateur audiophile pour mélomane gourmet ou de gadget sonore aussi insipide que le poulet frelaté d’Asie. Mais cela, vous le savez déjà, car vous faites partie des initiés qui savent ce que qualité sonore veut dire. Donc, un watt lampe « sonne » beaucoup plus fort et plus riche qu’un watt semi-conducteur, et 25W, pour un ampli à tubes, c’est plus que suffisant pour écouter du métal, même sur des enceintes de rendement moyen. On retrouve des tubes EL34 dans les amplis guitare de la belle époque, et le public ne devait pas tendre l’oreille pour se déhancher devant son groupe rock préféré.

Côté connectique, on joue dans le simple et l’efficace : 3 entrées ligne analogiques et 1 entrée phono pour cellule MM. La version sans DAC possède en plus une sortie REC OUT pour l’enregistrement analogique. 

banc d'essai Synthesis Roma 54DC Roma 96DCDes bornes de sortie de haute qualité pour une paire d’enceintes stéréo sont bien entendu également disponibles. Elles acceptent les câbles dénudés de grosse section ou les fiches banane. Un compartiment sous la prise de courant cache un fusible facilement accessible. À l’avant, nous trouvons un bouton marche / arrêt, un grand contrôle de volume et les boutons de sélection de canal. Malheureusement, une connexion casque est manquante. Pour satisfaire aux normes de sécurité, les tubes montés sur le dessus du châssis sont protégés par un capot grillagé qui se dépose facilement pour pratiquer le « tube-rolling » (échange des tubes d’origine par des tubes d’autres marques, chaque marque et même chaque tube de la même marque ayant un caractère sonore particulier). Nous vous conseillons, même si c’est plus joli sans, de toujours laisser le capot protecteur : les tubes deviennent vite brûlants et sont fragiles (c’est du verre !). Concernant le réglage du bias nécessaire pour chaque changement de tube, je n’en ai trouvé aucune trace dans le manuel. Je soupçonne fortement qu’il existe un circuit de polarisation automatique dans l’amplificateur. Le changement de tubes en est donc facilité pour l’audiophile qui peut ainsi découvrir plus vite la différence qu’apportent les tubes syldaves par rapport aux tubes bordures…

banc d'essai Synthesis Roma 54DC Roma 96DCAvec le Roma 54DC, on joue dans la modernité en faisant appel aux  technologies les plus récentes. L’ampli délivre 100W sous 8 Ohm et même 170W sous 4 Ohm: on est aux antipodes de la puissance délivrée par le Roma 96DC. Cette puissance, pour un si petit format, est rendue possible par un schéma d’amplification en classe D, classe ayant le meilleur rendement en puissance par rapport à l’alimentation nécessaire. C’est le circuit d’amplification audio apportant le moins de déperditions et c’est le plus utilisé actuellement, en permettant de fabriquer des gros watts pas trop chers. Ce qui en fait un circuit souvent décrié par les audiophiles. Mais, bien maîtrisé, et avec des composants de haute qualité, un circuit en classe D peut se révéler en haut de gamme aussi musical que des circuits traditionnels en classe A, AB ou B. La connectique est ramenée à 2 entrées ligne analogiques et 1 entrée phono. Une sortie pré-out est disponible, et, cette fois, également une sortie casque.

En pratique

Je passe aux tests d’écoute. Je commence par le 96DC, parce que j’avoue une certaine affinité avec le son lampe. Dans ma collection d’enceintes, je choisis des modèles à haut rendement équipés de haut-parleurs Fostex, ce qui me semble être un choix idéal avec un amplificateur à tubes. À l’écoute, cette combinaison se révèle gagnante pour toutes les musiques acoustiques. Le jazz, la musique classique et la musique vocale sont le terrain idéal pour cet ensemble, où le manque relatif de basses, entièrement dû aux enceintes – je précise, car je les connais bien, peut éventuellement être compensé par un caisson de grave audiophile, genre REL. L’accent mis par les EL34 sur les médiums, là où les voix et la plupart des instruments acoustiques s’expriment le plus, offre une expérience merveilleusement vivante. J’ai droit, comme je m’y attendais un peu, à une très bonne reproduction des petits ensembles et des voix montrant de quoi un amplificateur à tube et des haut-parleurs à pavillon sont capables.

Mais j’écrivais plus haut que 25W pour des tubes, c’est assez pour attaquer des enceintes modernes à moyen rendement. Je troque donc mes made with Fostex pour des grandes colonnes A.O.S. trois-voies avec un rendement de 90 dB. Je sais aussi qu’elles n’ont pas besoin d’un sub pour faire trembler mon plancher. Et la surprise est bonne : le 96DC montre une aisance remarquable à piloter ces enceintes, et surtout à contrôler efficacement un bas de spectre particulièrement généreux. Cela me change de mon amplificateur à tubes de 3,5 watts basé sur les triodes 2A3, dont je suis pourtant fier, car « fait maison ». Le rock, même hard, le Synthesis 96DC n’en a pas peur. Les rifs de guitare basse et les effets overdrive semblent être nourriture bénie pour lui. Bref, ça déménage ! Mais l’amplificateur se délecte aussi (comme nous !) d’autres styles de musique. Du blues décontracté de J.J. Cale au hip-hop entraînant de Snoop Dogg, tout lui sourit.

banc d'essai Synthesis Roma 54DC Roma 96DCNous avons ici affaire à un amplificateur vraiment intéressant, à l’aise avec tous les genres musicaux, aux prestations musicales indéniables, vendu à un tarif encore abordable, et de surcroît entièrement fabriqué en Europe. Le fait qu’il ne souffre d’aucun point vraiment négatif constitue pour moi sa grande force. Dommage qu’il ne dispose pas d’une sortie casque, alors que cette manière d’écouter la musique a de plus en plus droit de cité dans nos habitudes culturelles.

Au tour du 54DC… Comme prévu, avec ses nombreux watts en stock, cet amplificateur travaillant en classe D n’a eu aucun problème à contrôler les haut-parleurs à pavillon. Les aigus sont un peu plus présents, mais certainement pas de manière agressive. Dans les régions des basses, j’ai trouvé la différence moins perceptible, mais ici il faut mettre en cause la limitation des enceintes elles-mêmes. L’impression générale est celle d’une plus grande neutralité. Comme pour le 96DC, l’étage phono sonne très bien. D’ailleurs, je soupçonne que l’étage phono présente peu de différence en interne entre les deux modèles. Je suis alors passé à l’écoute avec les trois-voies A.O.S. Comme je devais m’y attendre, la présence chaleureuse du médium est moins marquée qu’avec le 96DC. Il faut bien sûr mettre cela sur le compte de la musicalité des EL34, qui explique le succès toujours présent de ces tubes pentode dans les réalisations audiophiles actuelles. Même si avec le 54DC l’image sonore est plus large et la définition dans les aigus est poussée plus loin, il est indéniable que le 96DC offre plus de caractère et de plaisir purement musical. 

On rejoint là le vieux débat opposant neutralité absolue et ce qu’on pourrait définir par « musicalité ajoutée ». Pour les tenants de la neutralité, celle-ci est appelée « coloration », tandis que pour les amoureux du son chaud des lampes, la neutralité est appelée « froideur ».  Dans de précédentes critiques, j’avais déjà noté que ne pas avoir de caractère sonore est en fait un plus pour un amplificateur, car celui-ci ne devrait faire que ce pour quoi il a été conçu, c’est-à-dire uniquement amplifier le signal source sans rien retrancher ni ajouter à l’ambiance et au son tels qu’ils ont été voulus par l’ingénieur du son.

Mais… il y a le côté subjectif. Et si un appareil est à la source d’un tel plaisir musical que vos dopamines se mettent à en danser de joie, il est vrai qu’il est difficile d’y résister. Comment, pauvres faibles créatures que nous sommes, pourrions-nous résister à ce fameux plaisir qui nous fait préférer rouler dans une voiture dont le tableau de bord est en ronce de noyer, alors qu’au fond l’important est qu’elle nous mène de A à B sans accroc ?  Comment pourrions-nous résister à ce plat minutieusement concocté par un chef étoilé, alors qu’une tartine beurrée nous apporterait autant de calories ? De même, et peut-être à l’encontre de mes convictions puristes, me suis-je pris à préférer la restitution enjouée du 96DC à la neutre précision du 54DC. Ce qui montre une fois de plus que la notion de haute fidélité est incomplète, car il n’y a pas que la fidélité qui compte… il y a aussi le plaisir ressenti. (Si ma femme lit ceci, qu’elle se rassure : je lui suis fidèle, en ayant beaucoup de plaisir en sa compagnie !) Et aimer un son plus qu’un autre, implique autant, si pas plus, le cœur que la tête.

Conclusion

La marque italienne Synthesis est relativement peu représentée en Belgique, malgré ses évidentes nobles qualités. Cela n’en fait pas un outsider sans intérêt. Au contraire, elle gagne à être mieux connue, car une fois en contact avec ses produits, le mélomane exigeant apprécie leur qualité sonore, leur finition « à l’italienne » et le soin artisanal apporté à leur fabrication. 

Le 54DC est un très bon amplificateur avec de bonnes fonctionnalités qui n’aurait besoin que de quelques entrées supplémentaires. La technologie classe D adoptée est bien maîtrisée, avec ce surplus de qualité audible qui manque dans les productions bon marché. La neutralité est au rendez-vous, sans froideur excessive. 

Le 96DC se démarque par son caractère. Il est à considérer comme excellent membre de la famille des amplis à lampes, avec une mise en valeur réussie des qualités intrinsèques des tubes EL34. C’est une invitation à confortablement s’installer pour jouir de moments musicaux raffinés. Idéal pour la musique acoustique, mais pas que. Car la violence du Hard Rock peut aussi se montrer raffinée avec une amplification à lampes réussie…

À conseiller sans réserve, d’autant plus que les prix restent relativement accessibles pour des productions artisanales de qualité made in Europe.

Prix indicatifs

  • Synthesis Roma 96DC : 2.199 €
  • Synthesis Roma 54DC : 2.099 €
  • Alu: + 100 €; étage numérique : + 300 €

Synthesis Roma 54DC & Roma 96DC

€ 2.099,- & € 2.299,-
8.3

Prestations

8.5/10

FONCTIONNALITÉS

8.0/10

Rapport prix/qualité

8.0/10

Qualité de fabrication

9.0/10

Design

8.0/10

Pour

  • Européen 100%
  • 96DC : la présence et le son chaleureux des EL34 magnifiés
  • Qualité de fabrication
  • Plusieurs finitions possibles

Contre

  • Dimensions hors standard
  • 54DC : une neutralité qui nous laisse un peu sur notre faim
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