Voici la suite du feuilleton de l’été. Vous êtes nombreux à le suivre, vous qui vous demandez: Comment devient-on concepteur d’audio haut de gamme?
Que vous soyez audiophile ou passionné de musique, ou bien sûr les deux, vous découvrez en plusieurs épisodes, une fois par semaine, le récit passionnant de Rumen Artarski, le CEO de Thrax Audio.
Source: Mono & Stereo – Interview réalisée par Matej Isak
Résumé de l’épisode précédent:
Rumen s’explique longuement sur le choix de l’aluminium pour réaliser le coffret de l’enceinte Lyra. Outre l’intérêt de ses explications techniques, cet exposé de Rumen montre en filigrane le souci du détail, poussé jusqu’à l’extrême maniaquerie, qui règne chez Thrax Audio. Le slogan a déjà été utilisé ailleurs, mais il définit bien l’approche de Thrax: “le meilleur sinon rien!” Ce meilleur, s’il est élitiste, n’est pas exclusiviste: un amplificateur Thrax peut très bien s’accoupler avec une enceinte d’une autre marque et inversement. Le choix du meilleur laissé à l’initiative du client: elle n’est pas belle, la vie de l’audiophile?
Matej: – Quelle est votre opinion sur la concurrence?
Rumen: – Des concurrents? Je ne les vois pas ainsi. Si un consommateur achète des produits d’une autre marque, cela veut dire qu’il n’a pas encore découvert les valeurs intrinsèques qui sont celles de Thrax. Nos produits sont destinés aux connaisseurs et il faut du temps pour devenir un connaisseur…Il faut s’y préparer. Pour illustrer ce qui précède, permettez-moi de vous proposer une analogie avec le sport. Mon père était un grand sportif, à l’époque où on jouait pour l’honneur et la gloire, pas pour l’argent. Il a été 17 fois champion à l’échelle nationale, plusieurs fois champion des Balkans, une fois vice-champion d’Europe, etc, etc. Il me disait toujours: aujourd’hui, j’ai gagné, donc à moi la gloire et les honneurs, mais je ne suis pas le meilleur. J’ai lancé le disque 15 centimètres plus loin que mon adversaire, donc j’ai gagné. Si demain il est en meilleure forme, il peut fort bien finir premier.
Les adversaires se respectent. Mais les véritables stars du sport, ce sont les athlètes qui participent au décathlon; ils excellent dans plusieurs disciplines et on ne connaît que très rarement leurs noms. Ceux qui les connaissent éprouvent un immense respect pour leurs performances. Dans le monde actuel, tout tourne autour du plus grand et du meilleur, mais cela n’a qu’un temps. Mes ennemis ont pour noms médiocrité, “l’assez bien” et les hyperboles marketing.
Peut-on vraiment parler de concurrence quand un produit énumère les noms des éléments d’autres marques par manque d’atouts ou quand sa seule force réside dans l’étiquette ‘Swiss made’?. A mes yeux, de tels produits ne font pas partie de la même catégorie et les gens qui les achètent n’ont que ce qu’ils méritent.
Matej: – Comment distinguez-vous personnellement les termes ‘système haute fidélité’, ‘système haut de gamme’ et ‘système haut de gamme ultime’?
Rumen: – Tous sont des systèmes hi-fi; le haute fidélité hors de prix est qualifié ‘haut de gamme’ et le haut de gamme ultime, c’est un joyau, que ce soit au sens propre du terme ou au plan technologique et musical.
Matej: – Où se situe à votre avis la limite entre la transparence et un bon équilibre tonal?
Rumen: – Cette question est tout à fait pertinente. Parfois, ‘Trop bien’, ce n’est pas bien du tout. Trop, c’est trop. Avec la plupart des systèmes proposés dans le commerce, la musique semble un peu comprimée, avec une texture quelque peu artificielle. Avec chaque étape de l’amélioration du système on obtient une clarté et une richesse tonale accrues, jusqu’à un résultat qui vous semble satisfaisant – selon vos préférences, il peut être sombre et chaud, dense, ou doux ou clair…
Mais on en entend suffisamment pour percevoir le message transmis par la musique et on l’apprécie. C’est un niveau que la plupart des audiophiles/amateurs de musique ressentent comme étant confortable. Si l’on va plus loin, la musique semble ne plus se trouver ‘dans’ l’enregistrement. On dirait par moments qu’elle ralentit et que tous les sons détachés dans la scène sonore prennent soudain la forme quasi holographique des instruments sur le podium. L’espace tout autour est rempli et les musiciens surgissent dans votre salon jouant sans effort de leur instrument. Tout prend vie.
Le revers de la médaille, c’est que cela met en évidence la nécessité absolue d’écouter des enregistrements de qualité. On distingue le copié/collé des ingénieurs du son, les bruits parasites des musiciens – respiration, chaises qui grincent, clics de pédales de guitares… – autant de choses qu’on ne veut pas entendre parce qu’elles distraient de l’essentiel.
Un enregistrement de musique pop réalisé en studio avec un équipement numérique et une console de mixage SSL vous procure tout ce que vous voulez entendre et rien de plus.
Pour aller plus loin, il vaut mieux posséder des enregistrements qui en valent la peine et un goût musical plus développé que la moyenne. Sinon, jouez la carte de la sécurité. Le conducteur lambda ne sait déjà que faire du potentiel d’une Audi RS, alors une Koenigsegg, on ne l’achète que si on est capable de la piloter….
Matej: – La tonalité, le timbre et la clarté du son… Est-ce que vous suivez ces trois règles d’or lors du montage?
Rumen: – Je recherche généralement la clarté et un peu de chaleur. En termes de dynamique, pas de stress, suffisamment de résolution et de contraste, ce sont les caractéristiques de base que je vise. Il faut aussi qu’un système fasse entendre la modulation et les différences de tonalités et de texture d’un instrument. Chaque coup d’archet produit un ton et une microdynamique légèrement différents et ce sont précisément ces variations qui font la musique, qui transmettent une émotion et qui font rêver.
