Voici la suite du feuilleton de l’été. Vous êtes nombreux à le suivre, vous qui vous demandez: Comment devient-on concepteur d’audio haut de gamme?
Que vous soyez audiophile ou passionné de musique, ou bien sûr les deux, vous découvrez en plusieurs épisodes, une fois par semaine, le récit passionnant de Rumen Artarski, le CEO de Thrax Audio.
Source: Mono & Stereo – Interview réalisée par Matej Isak
Résumé de l’épisode précédent:
Une fois les prototypes au point, il faut lancer une production homogène. Pas évident, étant donné les très hautes exigences de Thrax Audio que la plupart des entreprises fabriquant par exemple des châssis en aluminium ne pouvaient respecter. C’est pourquoi, à un moment donné, Rumen a dû se dire quelque chose comme “si les sous-traitants n’y arrivent pas, faisons-le nous-mêmes!” Mais il ne suffit pas d’avoir un tournevis et un poste à souder. Il faut investir dans des machines. Et pas n’importe lesquelles: dans celles qui ne tolèrent que les déviations minimales, à la limite de l’atteinte de la perfection. Problème: elles coûtent cher. Tant pis, il fut l’accepter si on veut le meilleur du meilleur. “Il n’y a rien de gratuit dans ce bas monde!”, constate Rumen avec une tranquille lucidité.
Matej: – L’amplificateur Spartacus d’origine à tube, constituait l’un des fondements de la gamme Thrax Audio. De nombreux aficionados de Kondo Audio Note Japan et de Wavac ont choisi le Spartacus plutôt que ces systèmes audio emblématiques et haut de gamme. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi?
Rumen: – Ayant la chance de posséder différents amplificateurs à tube Triode, j’ai remarqué après quelque temps que leur son était plus ou moins limité par la qualité de l’entrée et pas tellement par celle du tube de sortie. Donc les gens qui disent “oh j’adore le son d’un 211”, j’en déduis qu’ils ne l’ont jamais vraiment entendu…
Notre équipe de R&D a effectué de longues recherches sur la question, ainsi que sur les moyens d’y remédier. C’est là que l’expérience et le travail du regretté Mr Sakuma se sont avérés bien utiles. Ayant réalisé l’un de ses projets, nous nous sommes aperçus que le son de notre concept changeait du tout au tout. Si l’on ne voyait pas l’amplificateur, il était impossible de deviner qu’il s’agissait d’un amplificateur à tube… Pourtant, la tonalité et la clarté que nous percevions ne pouvait provenir d’un transistor. Cela allait bien au delà…
Après plusieurs expérimentations et une sélection rigoureuse des transformateurs appropriés, nous avons enfin su que ce serait lui: le Spartacus. A ma connaissance, il s’agit du seul ampli à deux étages utilisant uniquement des triodes à chauffage direct en production commerciale. Qui plus est, le Spartacus présente une alimentation entièrement régulée, une polarisation automatique sur tous les tubes, un voltage de courant contrôlé par microprocesseur, etc., etc. A son lancement il y a 10 ans, l’industrie haut de gamme a été frappée de stupeur.
En observant le boîtier, on se disait que c’était mission impossible.
Matej: – Le nouveau Spartacus 300B : Pouvez-vous nous éclairer sur sa conception?
Rumen: Nous avons repoussé nos limites avec le design de l’amplificateur Spartacus d’origine. C’était un véritable bijou mais j’ai alors réalisé que les amplificateurs à tube sont un mystère pour la plupart des gens. Ils n’avaient pas la moindre idée du type de tube que nous utilisions, de l’endroit où nous les utilisions, pourquoi nous les utilisions et encore moins de ce que notre concept avait de spécial…
Pour l’utilisateur moyen, l’amplificateur Spartacus était un objet rare et intéressant. En phase de développement des nouveaux amplis, il était clair qu’ils devaient présenter quelque chose de reconnaissable pour tous les audiophiles. Or qu’est-ce qui peut être plus reconnaissable qu’une 300B? Nous avons donc revu notre projet original et peu de temps après, nous avions un prototype fonctionnel, mais je suis resté prudent: je ne voulais pas refaire les mêmes erreurs.
Si la structure et le concept sont identiques, l’exécution ainsi que certaines matières sont bien différentes. A présent, toute l’électronique est montée sur un seul circuit et les tubes se trouvent dans un boîtier sécurisé. Des progrès notables ont été réalisés au niveau des transformateurs utilisés et des régulateurs de type shunt. Une autre avancée découle de l’utilisation d’une nouvelle matière de Hitachi Japan: les transformateurs et les régulateurs de tension sont en Nanocrystalline, un métal magnétique avancé qui n’est toutefois pas simple à utiliser. Il a fallu trois ans de recherche dans notre département R&D – et l’aide de Hitachi – pour améliorer les transformateurs Tamura utilisés dans le concept original. Tout comme nous l’avions fait avec le premier projet, nous avons cette fois encore mis tous nos efforts et nos connaissances au service du design de cet ampli. Pour constater au final que notre formidable préamplificateur Dionysos ne suffisait pas et qu’il nous faudrait trouver mieux.
Matej: – Quid du Libra 300B? Il semblerait que ce soit l’ultime, tous préamplificateurs à tubes et à transistors confondus?
Rumen: – Encore un défi, mais il faut dire que j’aime ça. Je visais toutes les fonctionnalités des meilleurs préamplificateurs, mais avec des tubes à chauffage direct compte tenu de leur qualité sonore inégalée. Un design à plusieurs étages était exclu. Nous tenions à un maximum de pureté. Les amplificateurs finaux ne sont limités que par la source, une limite que nous tenions à abolir. Après toute une série de tests et de prototypes, la solution s’est finalement imposée: more of the same!
Nous avons donc une fois de plus utilisé l’ inégalable 300B comme ampli. Cela permet de faire pour la première fois l’expérience d’un chemin de signal constitué d’une triode à chauffage direct.
Un concept unique et une expérience inoubliable…
La première démonstration en public a eu lieu à Paris en novembre 2019 et a été abondamment commentée dans la presse et sur la toile ☺
Matej: – Western Electric 300B. La qualité est-elle au rendez-vous et le prix est-il justifié?
Rumen: – Je suppose que le prix découle d’une forte demande et de la rareté du produit. Au niveau du son, je suis sûr que de nouveaux tubes ont bien plus à offrir.
Le design des tubes a évolué et les matières utilisées sont optimisées. On trouve de fantastiques tubes 300B chez Emission labs, KR Audio, Elrog, Psvane et Takatsuki. Si chaque tube présente des qualités mécaniques et électriques légèrement différentes, ils donnent tous des résultats époustouflants. Je suis incapable de désigner le 300b qui émet le meilleur son: certains sont plus microphoniques, d’autres offrent une sonorité plus douce, d’autres encore plus de dynamique et de contraste…
Quant aux tubes type 300B standard, chinois et russes, je serai clair: ils sont à jeter au panier. Sur le Libra, le signal bruit est ainsi passé de 12 à 14 db avec des tubes ‘made in china’. A quoi bon dans ce cas de les utiliser dans un aussi bon concept?
