Pro-Ject Audio Systems, marque basée en Autriche, a été fondée en 1991, avec un « projet » reposant sur l’intuition que l’analogique n’était pas mort. C’était osé, alors que le numérique était censé tout remplacer. À cette époque, le bloc soviétique achevait son démantèlement et les pays satellites reprenaient leur autonomie. L’inspirateur de Pro-Ject prit contact avec les nombreuses usines et ateliers qui parsemaient ce qui était encore la Tchéchoslovaquie, avant la scission de celle-ci en 1992. Ce pays était considéré comme l’atelier spécialisé en mécanique et électronique du bloc soviétique. La marque nationale, Tesla (bien avant qu’Elon Musk ne s’empare du nom), était un peu le Philips du bloc de l’Est. La plupart de ces usines et ateliers sont encore actifs aujourd’hui, et en se spécialisant dans le domaine High-End, font le bonheur d’audiophiles du monde entier. Que l’on pense aux tubes JJ Electronic, aux amplis à tubes Canor, aux platines E.A.T., etc. Pro-Ject travaille principalement avec une usine située à Litovel, à 190 km de Prague. Il s’agit d’une usine ayant acquis une forte expérience au cours des dizaines d’années précédentes. Outre sa propre production, l’usine a aussi travaillé en sous-traitance pour Thorens, Lenco et… Märklin (oui, les trains électriques de votre enfance —et pas seulement de votre enfance d’ailleurs). La collaboration avec Pro-Ject et le succès mondial des produits lancés sous cette dernière marque a permis à l’usine de s’agrandir et d’investir dans des nouvelles machines-outils ultra performantes. Nous sommes en Europe et Pro-Ject est très fier de labelliser ses produits « Made in Europe ». Un bel exemple de réussite européenne face à l’invasion de produits d’origine asiatique. La marque a débuté avec une platine vinyle toute simple, pas chère et performante : la Pro-Ject 1. Énorme succès ! Depuis, la gamme s’étend à tous les composants d’une chaîne Hifi de qualité… made in Europe. C’est néanmoins avec son portfolio vinyle que Pro-Ject est le plus connu. De l’entrée de gamme sans fioritures Primary, en passant par la série Elemental ultra branchée à la référence Signature, avec des versions extravagantes dans la collection Artist, chaque mélomane y trouve son bonheur.

Pro-Ject Debut PRO banc d’essai platine vinyle

La nouvelle platine Debut PRO fait en fait référence à un modèle historique de la marque, Debut, qui, sous différentes versions, s’est vendu en quantités incroyables dans le monde entier. La PRO a été créée pour fêter le 30e anniversaire de Pro-Ject et se veut offrir la qualité maximale pour un prix encore réaliste. De quoi susciter notre curiosité.

Technologie et installation

Pro-Ject Debut PRO banc d’essai platine vinyleLa Pro-Ject Debut PRO arrive bien protégée avec les différents éléments judicieusement organisés dans son emballage. Ce n’est pas du plug-and-play. Il faut patiemment monter et équilibrer les éléments pour obtenir l’objet final. Mais cela fait partie du plaisir, d’autant plus que le manuel d’installation est clair et explique bien chaque étape avec des photos et schémas d’illustration.

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La Debut PRO est une platine vinyle d’apparence simple : un socle noir rectangulaire, un plateau en aluminium assez épais, un bras droit, pas de préampli. C’est en y regardant de plus près que bien des subtilités apparaissent. Il y a bien sûr les vitesses traditionnelles : 33 et 45 tours (33 1/3 pour être exact), avec commutateur situé à l’avant gauche du socle. Surprise, la vitesse 78 RPM est également disponible. Pour être honnête, c’est plutôt une fonctionnalité de niche, mais elle a le mérite d’être présente et on ne s’en plaindra pas. La platine est assez lourde et le plateau dissimule  la transmission par courroie, plate pour les 33/45 et ronde pour les 78 tours.

Pro-Ject Debut PRO banc d’essai platine vinyle

Chaque partie d’une platine, aussi infime soit-elle, est importante pour un résultat final exempt de vibrations, sans déviation de vitesse, et avec un parfait suivi du sillon. Pour celui-ci, le bras doit faire l’objet de la plus grande attention de la part du fabricant. Il n’existe pas de bras idéal. Mais il existe une quantité de bras de formes différentes, usant de matériaux et de technologies différents, dans le seul but de positionner correctement l’aiguille dans le sillon. Tous les bras ne se valent donc pas. Celui de P ro-Ject est un beau modèle en aluminium renforcé de carbone, léger mais solide et aussi exempt de vibrations que possible. Il supporte la cellule Pick it Pro MM montée en standard, développée en collaboration avec Ortofon, un autre fabricant européen bien connu. Le bras lui-même est soutenu par une base constituée d’un bloc d’aluminium avec des options de réglage et d’équilibrage très étendues et précises. Outre le contrepoids et la masselotte du système anti skating, des réglages fins supplémentaires sont  présents, témoins du soin apporté à ce bras de qualité.

Une remarque sur le système anti-patinage (anti-skating) consistant en un poids suspendu à un fil de nylon via un ensemble de rainures, système bien connu des utilisateurs de vinyle. Des instructions claires sur l’installation et le réglage peuvent être trouvées dans le manuel téléchargeable. Mais je tiens à préciser que la notice dans la boite indique une position de la masse anti-patinage différente de la notice en ligne. Il s’agit d’un défaut de communication sans grand impact audible pour autant que j’aie pu en juger. Mais cela soulève la question de savoir quel est son effet réel. Peut-être est-ce plus flagrant avec un disque voilé où l’aiguille peut déraper à cause de la force centripète ? Malheureusement, des disques voilés, je n’en ai pas pour tester, car je les soigne, mes chéris !

Enfin et surtout, il y a le châssis lui-même : relativement lourd et certainement robuste pour éviter les vibrations parasites. Les charnières maintenant le capot sont un peu spartiates et rigides. Elles sont typiques de l’usine qui les fabrique depuis de nombreuses années. Si elles ne sont pas sexy, elles ont le mérite de défier les années, contrairement aux charnières plus légères de certains concurrents qui ne tiennent pas le coup très longtemps. Les prises Cinch plaquées or sont de bonne qualité, mais le câble fourni est un peu court. Heureusement, on peut facilement en placer un autre si nécessaire, sans oublier de raccorder le fil de masse au châssis de l’ampli. L’alimentation est extérieure, fournie par un bloc avec son câble qui se connecte au bas du socle de la platine. Pas de préampli Phono intégré, ni de convertisseur analogique/numérique avec sortie pour le ripping (je n’aime pas ce mot…) vers un disque dur. Il faut donc veiller à ce que votre amplificateur dispose d’une entrée Phono, ou alors vous devez acheter un pré-préampli RIAA séparé. Néanmoins, l’amateur débutant, désirant une solution simple et complète, peut se tourner vers la platine Debut Recordmaster. Avec celle-ci, l’idée de Pro-Ject est géniale : la platine dispose non seulement d’un préampli Phono commutable, mais aussi d’un convertisseur A/D avec sortie USB. 

Les photographes savent qu’un trépied, c’est plus stable qu’un quadrupied (ça pourrait se dire, ça, un « quadrupied » ? Parce que « quadrupède », pour une platine, ça fait un peu bizarre…) Pro-Ject a donc prévu trois pieds au lieu de quatre habituellement. Ces 3 pieds sont robustes, garantissent la stabilité, et isolent contre les vibrations externes. Ils sont réglables en hauteur. Il est en effet important de rappeler qu’une platine doit être absolument horizontale. Il ne faut d’ailleurs pas hésiter à utiliser un niveau pour ce faire.

Dans la pratique

Et maintenant, passons aux choses sérieuses : ça sonne comment, toute cette technologie bien aboutie ? La main légèrement tremblante —arrêtez de sourire, je l’attribue à mon enthousiasme plutôt qu’à mon âge, je m’apprête à délicatement positionner le bras au-dessus du début du sillon. Un premier disque vinyle s’impose. TaxiWars, le projet parallèle jazz du leader de dEUS, Tom Barman, dégage un intense plaisir musical dès la première note. Le saxo de Robin Verheyen en est le point culminant. Dans une vie passée, j’ai torturé un sax alto pendant plusieurs années, et aussi les oreilles des membres de la famille, pour tenter un jour de pouvoir faire fleurir des créations aussi sublimes que Robin. Je me console maintenant en me contentant de l’écouter. Mon pauvre sax repose en paix dans son étui, mais tremble de peur chaque fois que je passe à proximité… Revenons à l’écoute ! La Debut PRO m’offre beaucoup de confort à l’écoute. Le sax soprano qui peut parfois se montrer pointu est traditionnellement rendu plus soyeux par le vinyle et c’est également le cas avec cette Pro-Ject montée avec la cellule Pick it PRO.

Pro-Ject Debut PRO banc d’essai platine vinylePassons ensuite à Johnny Cash. Je pense toujours que la musique live est le point fort de l’analogique. Le CD donne un son propre et, soyons honnêtes, dynamiquement supérieur, du moins en théorie. Le numérique est parfait pour le travail en studio, mais n’a pas le charme et la vie d’une reproduction analogique. ‘At Folsom Prison’ est donc bien plus une question d’ambiance et d’expérience que de perfection technique. Un bon film sur pellicule argentique est toujours plus intéressant à regarder qu’un mauvais film en 4K, n’est-ce pas ? La résolution et l’aptitude à reproduire une scène sonore en trois dimensions de l’ensemble Debut Pro / Pick it Pro MM apportent un réel bonheur à l’écoute de cet album historique. La voix sombre et prenante de Cash apporte son lot d’émotion intense malgré les conditions d’enregistrement limitées.

La Debut PRO peut également gérer un travail techniquement plus exigeant. L’enregistrement en direct de The Wall dans le Berlin réunifié de 1990 est l’un de ces albums salués pour leur qualité technique. Outre sa qualité musicale, cet album restitue parfaitement l’émotion ressentie après la chute du Mur. La Pro-Ject  vous place parmi le public et vous permet de profiter pleinement des magnifiques compositions et performances de Roger Waters. La cellule montée d’origine sur le bras alu/carbone de la Debut Pro transmet suffisamment de détails pour retranscrire l’atmosphère qui imprégnait le public lorsque les  lignes de basse déferlaient des haut-parleurs. Cette cellule, bien que considérée comme standard, se montre déjà suffisamment transparente et énergique, avec de très bonnes performances pour les voix et dans les graves. L’avantage d’une platine vinyle, c’est que vous pouvez améliorer sa qualité en changeant de cellule. Ici, il faut déjà monter bien haut en qualité pour trouver mieux. Pour cela, bravo Pro-Ject !

Conclusion

Pour son prix, la Debut PRO de Pro-Ject est une tueuse de concurrents. La légèreté et la précision du bras permettent de recréer de fines nuances inscrites dans le sillon du disque sans exercer trop de pression sur celui-ci. Ce n’est pas avec une Pro-Ject Pro que vos précieux vinyles s’useront prématurément. Le plateau est suffisamment lourd pour, conjointement avec la rigidité du châssis, assurer la stabilité nécessaire à une lecture sans faille. La qualité de la cellule proposée d’origine va de pair avec la qualité de la platine et il ne sera pas facile d’en trouver une autre offrant des performances musicales supérieures sans atteindre un prix beaucoup plus élevé. Enfin, Pro-Ject est la preuve même que l’Europe n’a pas dit son dernier mot et qu’il n’est pas besoin de délocaliser pour garantir un bon rapport qualité/prix. 

Pro-Ject Debut PRO

749,- euro
8.4

PRESTATIONS

8.5/10

FONCTIONNALITÉ

8.0/10

PRIX/QUALITÉ

8.5/10

QUALITÉ DE FABRICATION

9.0/10

DESIGN

8.0/10

Pour

  • Conception et matériaux de qualité
  • Finesse des réglages
  • Cellule montée d’origine de bonne qualité
  • Écoute détaillée et musicale
  • Écoute détaillée et musicale 78 tours en standard

Contre

  • Pas de préampli Phono intégré
  • Manuel de montage comportant des erreurs
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